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Commentaire

Le problème avec les histoires simples

08 juillet 2015

La personne la plus sage que je connaisse a joué un rôle de premier plan dans la création d'un certain nombre d'entreprises prospères. Elle fait partie des investisseurs les plus avisés au monde - preuves à l'appui. Ses compétences en matière de placements ont permis aux dizaines de milliers de familles qui lui ont confié leurs économies de s'enrichir. Récipiendaire de l'Ordre du Canada, il fait partie des plus grands philanthropes canadiens et, durant son temps libre, il a trouvé le moyen d'avoir un profond impact sur la recherche médicale. C'est un homme timide qui n'aime pas les feux de la rampe, pourtant son bureau est un lieu de passage des personnes les plus influentes du Canada qui viennent chercher conseil. Ce que cet homme donne prend rarement la forme de conseils. Au lieu de cela, il examine un problème avec vous et, par une série de questionnements, il vous permet de parvenir vous-même à la bonne conclusion. Il a le don d'élever le jeu de tous ceux qui l'entourent. Étant donné que j'ai eu la chance de rencontrer cet homme lorsque j'étais jeune, j'ai pu tirer parti de sa sagesse pendant de nombreuses années.

Il n'y a pas si longtemps, il m'a donné un livre de Daniel Kahneman, un psychologue renommé pour son travail sur la psychologie du jugement et la prise de décision. Il ne m'avait jamais recommandé un auteur en particulier jusqu'à présent. Pour une personne qui ne donne pas de conseil, c'était le plus loin qu’il n’irait probablement jamais.

C'est le livre le plus difficile que j'ai lu de ma vie. Le contenu était clair, mais c'était toute une brique. Au bout de 30 pages de lecture, j'étais déjà fatigué. Le thème général tournait autour de la réflexion fondée sur des partis pris et de l'influence de cette partialité sur nos capacités décisionnelles.

L'un des tenants centraux du livre était que les humains sous-estiment systématiquement le volume d'incertitude auquel ils sont exposés. Aussi bizarre que cela puisse paraître, nous devons sous-estimer dans une certaine mesure l'incertitude, à défaut de quoi notre cerveau serait incapable de prendre des décisions. Comme mécanisme d'adaptation, nous créons une illusion de ce que sera l'avenir, qui est beaucoup plus ordonnée que ce que le futur nous réserve en réalité. Pour ce faire, nous nous racontons des histoires simples.

Le livre m'a enseigné que pour être un meilleur investisseur, il faut se raconter moins d'histoires. Ce faisant, on peut se concentrer sur les faits connus et être mieux préparé à faire face à l'incertitude future.

Nous examinerons ici les cinq façons que nous employons pour lutter contre les histoires simples que notre cerveau veut nous raconter lorsque nous gérons vos économies durement gagnées.

Nous ne pouvons pas éliminer toutes les histoires, mais ces règles sont efficaces pour bon nombre d'entre elles :

Les prochaines années ne seront pas comme les dernières

Notre cerveau nous indique que l'avenir proche sera identique au passé récent. Les humains présument que ce qui s'est produit hier se reproduira demain. Au chapitre des placements, cela est rarement vrai. Les rendements passés sont rarement, voire jamais, indicatifs du rendement futur.

De simples calculs mathématiques nous indiquent que le prix d'entrée dicte le rendement d'une action, une façon sophistiquée de dire que plus vous payez pour une entreprise, moins le rendement sera élevé.

Le tableau ci-dessous* illustre le rendement mobile moyen sur une période de dix ans des sociétés figurant dans l'indice S&P 500 par rapport à leur valeur au moment de l'achat. Contrairement aux données à court terme que notre cerveau utilise pour créer des histoires, ces données remontent à 1937. Elles montrent que plus la valeur du marché est élevée au moment de l'achat, plus le rendement sur les dix années suivantes risque d'être faible.

Le tableau ne comporte pas de données au-delà de 2004, car il illustre les moyennes sur une période mobile de dix ans; par conséquent, si vous ajoutez dix ans à 2004, cela vous amène au présent. Cependant, si vous revenez à 2012, le ratio cours/bénéfice des sociétés figurant dans le S&P 500 était d'environ 15,5x. Selon ce tableau, une valeur de départ d'environ 15,5x produirait un rendement annuel composé sur 10 ans situé entre 7 % et 17 %. Nous ne saurons qu'en 2022 si cet ordre de valeur est exact. Il est intéressant de noter que le ratio cours/bénéfice de l'indice S&P 500 est aujourd'hui près de 20x, ce qui donnerait un rendement oscillant entre 2 % et 12 % au cours des dix prochaines années. Ce chiffre est visiblement inférieur à ce qu'était l'ordre de valeur en 2012.

EdgePoint ne possède pas les titres de l'indice S&P500. Nous privilégions plutôt les titres d'un groupe restreint d'entreprises dont le rendement combiné battra, à notre avis, les indices de référence. Cependant, lorsque nous examinons les entreprises aujourd'hui, nous reconnaissons que la valeur des titres est plus élevée et que les rendements futurs seront inférieurs à ce qu'ils ont été ces dernières années. Vous devez être conscients de ce fait et ne pas laisser votre cerveau vous indiquer le contraire.

La volatilité est la seule constante

Lorsque quelqu'un mentionne des rendements annuels futurs, notre cerveau simplifie l'histoire pour s'y retrouver. Notre cerveau nous indique que ce rendement sera atteint de façon constante au fil du temps. Par exemple, si je vous disais que je crois qu'une entreprise peut produire un rendement de 10 % par an, votre cerveau imaginerait probablement le scénario de rendement suivant :

Rendement annuel composé = 10 %


Si nos prévisions sur les rendements futurs sont exactes, il y a de fortes chances que la distribution des rendements ressemble à peu près à cela :

Rendement annuel composé = 10 %

 

Pour être fonctionnel, notre cerveau a besoin d’ordre et il construit cet ordre en créant des histoires sur l'avenir alors que l'ordre est la chose qui risque le moins de se produire. Il est important d'en être conscient et le tableau suivant en illustre les raisons.

Ce tableau †montre les rendements annuels et les reculs en cours d'exercice des sociétés figurant dans l'indice S&P 500 au cours des 35 dernières années :

Depuis 1980, le rendement annuel de l'indice S&P 500 s'est élevé à 10,6 %, alors que la baisse moyenne en cours d'année a atteint 14,2 %. Notre cerveau aime se concentrer sur le rendement annuel de 10,6 % en faisant abstraction des diminutions annuelles.

Le problème avec la simplification de l'avenir survient lorsque les baisses temporaires de valeur remettent en question l'histoire simple de rendement que nous nous racontons. Cela porte à confusion et provoque des émotions indésirables de peur et d'angoisse. Ces émotions sont d'autant plus fortes lorsque l'on a récemment traversé des périodes de faible baisse en cours d'année. Par exemple, en 2013, 2014 et jusqu'à présent en 2015, le marché des actions a enregistré, en cours d'année, une baisse maximale de 6 %, 7 % et 4 % respectivement. Il s'agit de baisses modestes par rapport aux baisses enregistrées par le passé. Malgré les preuves du contraire, notre cerveau présume que la tendance va se poursuivre. Cependant, les faits indiquent qu'en moyenne, les marchés connaissent habituellement une plus grande volatilité que ce que nous avons observé au cours des trois dernières années.

Chez EdgePoint, nous ne considérons pas que la volatilité temporaire des cours des actions représente un risque. Pour les investisseurs qui connaissent la valeur d'une entreprise, la volatilité devient un ami alors qu'elle peut devenir un ennemi pour ceux qui ne la connaissent pas. C'est notre travail de connaître la valeur des entreprises afin de tirer parti de la volatilité du marché pour la tourner à notre avantage. Nous nous efforçons d'entraîner notre cerveau à s'attendre à la volatilité et à l'accepter, et nous vous encourageons à suivre notre exemple.

Nous avons parlé de long en large de la volatilité dans nos commentaires antérieurs. Si vous souhaitez en savoir plus sur nos réflexions sur le sujet, veuillez consulter :

Restez insensible aux mouvements du marché – 3e trimestre 2013
Le choix judicieux pour nos familles – 4e trimestre 2011
28 questions et une soirée chez les pessimistes – 1er trimestre 2011

Que savez-vous de plus que les autres?

Notre cerveau aime présumer que si une entreprise est populaire, elle doit constituer un bon investissement. À titre d'exemple, un ami à moi m'a mentionné que je devrais envisager Under Armour comme possibilité de placement. À titre de directeur de création chez l'une des plus importantes entreprises de publicité, mon ami en connaît un rayon sur les entreprises prospères. Il a ajouté qu'étant donné qu'Under Armour commandite des athlètes comme Jordan Spieth (le récent vainqueur de l'Open de tennis américain) et Stephen Curry (récemment nommé meilleur joueur de la NBA), son chiffre d'affaires devrait augmenter. Je lui ai répondu que je comprenais que Spieth et Curry pourraient faire mousser les ventes de l'entreprise, mais je lui ai demandé s'il savait quel atout unique possédait l'entreprise par rapport au reste du marché. Après tout, tous ceux qui ont regardé les matchs de l'U.S. Open ou les matchs de finale de la NBA cette année n'ont pas pu manquer le fait qu'Under Armour commanditait Spieth et Curry. Ce que mon ami savait au sujet d'Under Armour était connu de millions d'autres personnes, ce qui signifie habituellement que la valeur que les gens voient dans une entreprise se reflète déjà dans le cours de l'action. Sans renseignements exclusifs, comment pouvait-il obtenir un rendement supérieur à la moyenne avec son placement dans l'entreprise?

À notre avis, la meilleure façon d'acquérir les actions d’une entreprise à un prix avantageux est de considérer celle-ci sous un angle négligé par les autres. C’est ce que nous appelons des points de vue exclusifs.

Nous nous efforçons de développer des perspectives qui nous sont propres sur des entreprises que nous comprenons bien. Nous visons des sociétés qui ont des positions concurrentielles solides et des barrières à l’entrée défendables, présentent des perspectives de croissance à long terme et sont dirigées par une équipe compétente. Ces positions reflètent généralement notre opinion pour un horizon de placement supérieur à cinq ans.

Ces points de vue exclusifs portent essentiellement sur la façon dont une entreprise peut prendre de l'expansion à l'avenir et pourquoi on ne nous demande pas de payer pour cette croissance aujourd'hui. En réalité, elles sont l'exact opposé des histoires simples que notre cerveau aime inventer pour composer avec l'incertitude.

Nous n'investissons que dans les titres pour lesquels nous trouvons des points de vue exclusifs. Nous vous encourageons à habituer votre cerveau à faire la même chose si vous prévoyez investir dans des actions individuelles.

Les douves de protection : accroître la probabilité de bien prévoir les bénéfices futurs

Notre cerveau nous indique que ce qui est une bonne affaire aujourd'hui le sera demain, mais en réalité bon nombre des avantages concurrentiels que possède une entreprise s'amenuiseront au fil du temps. Aussi, comment prédisez-vous qu'une entreprise continuera d'être prospère à long terme lorsque nous avons déjà déterminé que les capacités de prévision de votre cerveau étaient limitées? En tant qu'investisseurs, nous nous efforçons d'y parvenir en sélectionnant des entreprises dotées de douves de protection.

Qu'est-ce qu'une douve de protection pour une entreprise? Dans sa forme la plus simple, une douve de protection est la capacité de conserver une longueur d'avance sur les concurrents. Plus précisément, si on donnait 100 millions de dollars à quelqu'un pour créer une entreprise, pourrait-il faire concurrence à votre entreprise et terminer gagnant? Si ce n'est pas le cas, votre entreprise est probablement dotée d'une douve de protection.

Si l'avenir est moins ordonné que nous le pensons, une douve de protection permettra alors aux entreprises de prospérer dans des conditions très variables.

Investir dans des entreprises dotées d'une douve de protection nous a permis de créer de la richesse depuis le lancement d'EdgePoint. Parmi les exemples de douves de protection figurant actuellement dans votre portefeuille, citons :

Ryanair

Le coût moyen de transport d'un passager sur un vol Ryanair est de 29 €. Pour son principal concurrent, ce coût est de 52 €. Le prix moyen d'un billet d'avion Ryanair s'élève à 47 €. C'est ce qu'on appelle une douve de protection. Cela permet à Ryanair de réaliser des bénéfices solides tout en maintenant ses prix inférieurs à ceux de ses principaux concurrents. Depuis que nous détenons des titres de Ryanair, il s'est produit de nombreux événements imprévisibles dans le monde. En l'occurrence, des taux de chômage élevés sur les marchés desservis par Ryanair, des éruptions volcaniques qui ont entraîné la fermeture de l'espace aérien pendant de longues périodes et des prix du carburant élevés imprévus. Malgré la conjoncture incertaine, Ryanair a assuré la croissance de son bénéfice par action, qui est passé de 0,11 € à 0,63 €.††

Anthem

Anthem vend de l'assurance médicale aux États-Unis. Dans certains États, l'entreprise détient près de la moitié du marché. Cette position dominante sur le marché permet à Anthem d'acheter des services médicaux aux hôpitaux à un prix moindre que ses concurrents, ce qui en retour lui permet d'offrir des primes moins élevées à ses clients. Les primes plus faibles l'aident à protéger sa position dominante en lui permettant de continuer à attirer de nouveaux clients. Depuis que nous détenons des titres d'Anthem, l'entreprise a été confrontée à des variables imprévisibles, telles que la nouvelle législation en matière de soins de santé destinée à comprimer ses bénéfices, une importante récession aux États-Unis et un président qui n'est pas en faveur de son modèle économique. Au cours de cette période, Anthem a vu son bénéfice par action passer de 4,79 $ à 9,31 $.‡

Tim Hortons/Restaurant Brands International : Il n'est probablement pas nécessaire d'expliquer la douve de protection de Tim Hortons. Si vous êtes canadien, c'est ce qui vous fait revenir. Pendant que nous détenions des titres de l'entreprise, cette dernière a été confrontée à des événements imprévisibles, tels qu'une récession, une guerre du café qui a poussé ses principaux concurrents à donner du café gratuit pour accaparer la clientèle de Tim Hortons, et une prise de contrôle et un changement d'équipe de direction au sein de l'entreprise. Au cours de cette période, Tim Hortons/Restaurant Brands International a enregistré une hausse de ses bénéfices par action, qui sont passés de 1,55 $ à 2,83 $.§

Morale de l'histoire : l'avenir est bien plus incertain que ce que notre cerveau nous permet de croire; il est donc fondamental d'avoir une douve de protection autour de votre entreprise.

Ce n'est pas censé être facile

C'est l'histoire simple la plus déconcertante que notre cerveau nous fait croire. La plupart de nos investisseurs ont travaillé d'arrache-pied pour épargner l'argent qu'ils nous ont confié. Certains ont travaillé 60 heures par semaine pendant des années, ont occupé plusieurs emplois ou ont dû suivre une nouvelle formation à maintes reprises pour répondre aux exigences de leur employeur. En fin de compte, ils ont en contrepartie réalisé des économies. En dépit de tout cela, lorsqu'ils investissent ces économies sur le marché, ils s'attendent à ce qu'il soit plus facile de réaliser des profits que de faire carrière. Ce n'est simplement pas le cas. Investir est une tâche extrêmement difficile. Cela peut souvent vous pousser à bout, comme dans votre vie professionnelle.

En vérité, notre secteur est coupable de vendre la même histoire à votre cerveau – il est facile de faire de l'argent. Notre secteur vous mettra sous le nez les données sur les rendements antérieurs, en espérant que votre cerveau vous fasse croire que si vous investissez, vous pourrez vous aussi obtenir ces rendements. Confronté à un avenir incertain, notre secteur sait que votre cerveau suivra cette piste. Ce que ces publicités ne vous montrent pas, c'est que les personnes qui obtiennent ces rendements ont dû composer avec l'incertitude et la peur. Elles s'en sont tenues à leur plan à long terme et ont accepté que cette volatilité se produise. Elles ont parfois trouvé l'expérience extrêmement difficile, mais elles ont tenu le coup. Pour les investisseurs qui sont clients d'EdgePoint depuis plus de trois ans, vous savez de quoi je parle. Ça ne va pas toujours de soi. Ne laissez personne vous faire croire le contraire.

Point final

Le monde est incertain et le sera probablement davantage à l'avenir. Vous nous avez donné le mandat de placer vos économies durement gagnées dans un contexte d'incertitude. Comme nous l'avons fait précédemment, nous nous efforcerons de créer les conditions gagnantes en appliquant notre approche de placement. Nous continuons d'investir avec une confiance mesurée. En outre, nous sommes heureux de pouvoir compter sur votre confiance, et pour en être dignes, nous nous ferons un plaisir de travailler pour faire fructifier votre patrimoine.


Commentaires sur les titres à revenu fixe

Par Frank Mullen, gestionnaire de portefeuille

J'aimerais vous entretenir plus amplement sur le thème des histoires simples dans le contexte des titres à revenu fixe dans lequel nous œuvrons à l'heure actuelle. Parmi les vérités perçues les plus courantes que j'entends des clients et de la presse financière se trouve celle-ci: les obligations représentent incontestablement une catégorie d'actif sûre. Même s'il existe des arguments et des conditions qui l'appuient, j'estime que la sécurité de tout élément d'actif est déterminée par le prix que vous le payez. Acquérir un actif considéré comme risqué à un prix avantageux peut offrir une marge de sécurité qui en fait un bien meilleur placement que l'acquisition au prix fort d'un actif jugé sûr. Je crois que l'on peut trouver dans un passé récent un certain nombre d'exemples qui appuient la notion selon laquelle les obligations ne sont pas intrinsèquement sûres. À l'instar de tous les placements, elles doivent être analysées au cas par cas. Les déclarations générales qui classent les actifs par catégorie - risqué ou sûr - sont au mieux trompeuses. Les investisseurs devraient plutôt veiller à faire preuve de diligence raisonnable à chaque placement.

Nous faisons confiance aux gouvernements

Pour les investisseurs du monde entier, il est maintenant courant de prêter de l'argent à des gouvernements. Bon nombre d'entre eux considèrent que les gouvernements de pays développés représentent un faible risque en dépit du fait que la plupart d'entre eux sont bien plus endettés qu'ils ne l'étaient au cours des décennies précédentes. La demande d'obligations gouvernementales de qualité supérieure a entraîné la chute du rendement en revenu et la montée en flèche de leurs prix respectifs. Bien que le risque de crédit soit minime, payer le prix fort peut en fait être assez risqué. Le récent mouvement des obligations émises par l'Allemagne est éloquent à ce chapitre.

L'Allemagne est l'une des économies les plus fortes d'Europe, et ses titres de créance ont été si attrayants pour les investisseurs que les rendements en revenu sur 10 ans et sur 30 ans ont chuté pour atteindre des creux respectifs de 0,79 % et 1,59 %.|| Bien que le risque de crédit soit minime, payer le prix fort peut en fait être assez risqué comme le montre l'évolution récente des prix des obligations allemandes. Au cours d'une période de trois semaines en mai, le prix des obligations à 30 ans de l'Allemagne a reculé de près de 20 %.¶ Si les taux demeurent à ces niveaux, il faudra des décennies pour récupérer les pertes enregistrées au cours de ces 21 jours. Malgré le faible risque de crédit, le prix payé par les investisseurs pour ces obligations les a exposés à un grand risque. Payer trop cher un titre de créance gouvernemental « sûr » ne s'est après tout pas révélé sûr.

Les faibles taux d'intérêt actuels ont poussé les investisseurs à se tourner vers des titres moins conventionnels, comme les obligations d'État européennes de la périphérie ou des marchés émergents. Ceux qui sont prêts à investir là où les autres sont hésitants disposeront toujours d'occasions uniques, mais ils doivent faire preuve d'une extrême prudence et procéder à un exercice rigoureux de diligence raisonnable au moment d'investir. De nombreux clients nous ont demandé pourquoi nous n'avons pas acheté ces titres de créance étant donné que les rendements en revenu sont beaucoup plus attrayants que ceux de la plupart des solutions de rechange. On ne doit pas se laisser séduire uniquement par le rendement en revenu, et nous n'étions pas à l'aise avec les risques inhérents au placement. À l'heure actuelle, je suis très heureux que nous n'ayons pas acheté de titres de créance à rendement élevé de la Grèce. Je doute que le rendement fût suffisamment élevé pour compenser les scénarios qui se concrétisent actuellement.

La sécurité avant tout?

Les faibles taux d'intérêt partout dans le monde ont forcé les investisseurs à chercher d'autres solutions que les obligations traditionnelles pour obtenir des rendements plus élevés. Après la crise financière, de nombreux investisseurs canadiens se sont tournés vers le marché des actions privilégiées, qui sont perçues comme un choix plus sûr et plus stable que les actions ordinaires, et les entreprises ont rapidement répondu à la demande des investisseurs. Étant donné que les investisseurs sont attirés par les dividendes qui y sont rattachés, les actions privilégiées à taux rajusté ont dominé le marché; ces taux sont rajustés tous les cinq ans en fonction de l'écart par rapport aux obligations gouvernementales. Préoccupés par l'augmentation possible des taux d'intérêt, les investisseurs ont été attirés par le potentiel de croissance des dividendes. Ils se sont tellement entichés des avantages potentiels de cette structure que bon nombre d'entre eux ont oublié d'analyser l'éventail complet des possibilités.

Faisons un bond en avant de quelques années et on constatera que le rendement des obligations a en fait baissé. Les soi-disant paiements de dividendes sûrs associés à de nombreuses émissions ont en réalité été réduits de façon importante, car ces actions sont rajustées au moment où les taux se situent à des niveaux plus bas que prévu. Ce phénomène fait chuter le cours des actions privilégiées. Non seulement ces titres sont décevants par rapport au rendement escompté par les investisseurs, mais ils se négocient maintenant à 40 % de moins que leur prix d'émission.** Les investisseurs croient qu'ils achètent une protection contre les mouvements des taux d'intérêt, et c'est cette soi-disant protection qui leur a, en fin de compte, nui. Quelle que soit votre vision de l'avenir, il est toujours prudent d'analyser le bien-fondé d'un placement à la lumière d'une vaste gamme de scénarios, même ceux que vous jugez improbables. Bien que nous n'ayons pas précédemment opté pour ces placements, nous tournons maintenant notre attention vers certaines actions privilégiées, car leur prix offre des points d'entrée plus attrayants.

Prime de liquidité?

Les obligations sont souvent perçues comme faisant partie des instruments les plus liquides dans lesquels investir. Jusqu'à présent, la plupart des catégories de titres à revenu fixe, y compris les obligations de sociétés, étaient relativement liquides, mais en raison de l'évolution de la structure du marché, les investisseurs devraient se demander si l'avenir sera différent du passé.

Depuis la crise financière de 2007-2008, la réglementation des banques est devenue beaucoup plus rigoureuse. Pour prévenir le type de sauvetages qui se sont produits durant la crise, les organismes de réglementation ont pris des mesures pour qu'il soit plus coûteux pour les grandes banques offrant des services de courtage de détenir des stocks de valeurs mobilières. Leur capacité à jouer un rôle d'intermédiaire sur les marchés des titres à revenu fixe s'est amenuisée, réduisant ainsi la liquidité des marchés.

Nous constatons cette baisse de la liquidité tous les jours lorsque nous tentons d'acheter et de vendre des obligations. Auparavant lorsque nous voulions vendre un grand nombre de titres obligataires, nous communiquions avec une banque et elle nous accordait rapidement un cours acheteur. L'objectif de la banque consistait à acheter les obligations auprès de nous et de se servir de ses nombreuses relations pour les revendre à d'autres à un prix plus élevé. Notre objectif n'était pas seulement d'obtenir le meilleur cours, mais également de négocier nos titres sur un marché liquide qui nous offrirait la possibilité d'acheter et de vendre un nombre considérable de titres rapidement et efficacement.

De nos jours, les transactions se déroulent de façon radicalement différente. En raison de la baisse des stocks des banques, ces dernières ne peuvent plus acheter d'obligations en une seule transaction rapide. Elles n'ont simplement plus de capitaux à risquer et sont pénalisées pour conserver des stocks de valeurs mobilières. La nouvelle réalité les force à trouver un acheteur chaque fois qu'elles ont un vendeur et vice versa. Cela se produit rarement rapidement. Le nouveau régime fonctionne dans des conditions normales, mais je me demande si c'est le cas durant les périodes difficiles. Si les courtiers et les banques n'étaient pas là pour faire fonctionner les marchés, de nombreux investisseurs se retrouveraient probablement avec des obligations à vendre sans avoir d'acheteurs prêts à payer un prix satisfaisant pour le vendeur.

Les fonds négociés en bourse (FNB) d'obligations – un meilleur choix?

Depuis la crise financière, les FNB à revenu fixe ont gagné en popularité. Ces produits plaisent aux investisseurs en raison de leur soi-disant liquidité. Un investisseur peut acheter ou vendre des titres de FNB par un simple clic, mais comme nous l'avons vu précédemment, il n'est plus aussi facile de vendre les obligations sous-jacentes détenues par le FNB. Comment un instrument financier peut-il être plus liquide que les éléments d'actif sous-jacents dans lesquels il investit? Un événement qui pousse des investisseurs à vendre des FNB à l'unisson ne leur laissera d'autre choix que de vendre les obligations sur un marché à la baisse, aggravant ainsi la situation. Le Fonds monétaire international a récemment calculé qu'il faudrait de 50 à 60 jours à un fonds détenant des obligations de sociétés américaines à rendement élevé pour liquider ses titres.‡‡ Que se passerait-il si tous les investisseurs voulaient leurs fonds demain? Les investisseurs doivent comprendre que le niveau de liquidité enregistré par le passé peut varier au fil du temps et intégrer ce principe à leur analyse des risques et du rendement.

Le changement engendre des possibilités

À titre de participant aux marchés de titres à revenu fixe, je crains que les événements ci-dessus ne se produisent, mais je crois que de nouvelles possibilités viendront compenser les difficultés à court terme. Nos portefeuilles comportent plusieurs leviers que nous pouvons utiliser durant les périodes de turbulence. Les titres à revenu fixe ne représentent que 30 % de la composition des portefeuilles, la majorité des autres éléments d'actif étant des actions plus liquides et des espèces. La majorité des titres à revenu fixe que nous détenons sont des titres de qualité supérieure à court terme. En raison de la taille relativement modeste de nos portefeuilles, nous avons une grande souplesse et sommes en mesure de modifier la répartition de l'actif pour augmenter la pondération des titres à revenu fixe si l'occasion se présente. Cette même souplesse nous permet d'accorder plus de place aux obligations à rendement élevé lorsque nous en voyons la valeur.

Chez EdgePoint, nous avons adopté un processus de placement défini qui nous guide dans chaque décision que nous prenons. Nous nous efforçons de ne pas succomber aux « vérités des marchés » et remettons en question les démarches conventionnelles dans notre analyse. Grâce à notre approche, nous tenons compte à la fois du risque et de la récompense possible selon divers scénarios. Nous évitons donc de nous accrocher au passé récent. Nous mesurons le succès selon notre capacité à trouver des titres à revenu fixe avantageux ainsi que notre capacité à éviter de commettre des erreurs en remettant en question les histoires simples qu'on aime raconter sur le marché.

Je sais que les obligations n'attirent pas tout le monde, mais si c'est votre truc, envoyez-moi un courriel à mullen@edgepointwealth.com et vous mettrez du soleil dans ma journée!

Pour connaître le rendement standard le plus récent, veuillez consulter la page des résultats d'investissement.


*Source : Robert Shiller – ratios C/B actuels; à la date du début de la période selon les bénéfices déclarés des 12 derniers mois sans rajustement. Rendements totaux en dollars américains. Les rendements portent sur une période de dix ans suivant l'année illustrée. Au 31 décembre 2014.
Rendements pour l'année civile et rendements en cours d'année selon l'indice des prix seulement (hors dividendes). Au 15 mars 2015. Source : Standard & Poor’s, FactSet Research Systems Inc., J.P Morgan Asset Management. Les baisses pendant l’année font référence aux principales baisses boursières, où les cours des actions passent d’un sommet à un creux pendant l’année. À des fins d’illustration seulement. Le calcul du rendement annualisé est fondé sur les rendements des cours enregistrés du 31 décembre 1979 au 4 janvier 1988 selon Yahoo Finance, et sur les rendements totaux enregistrés du 5 janvier 1988 au 31 mars 2015 selon Bloomberg.
††Source : Bloomberg LP. Bénéfices par action du 31 décembre 2008 au 31 décembre 2014 (en euros).
Source : Bloomberg LP. Bénéfices par action du 31 décembre 2008 au 31 décembre 2014 (en dollars américains).
§Source : Bloomberg LP. Bénéfices par action du 31 décembre 2008 au 31 décembre 2013 (en dollars canadiens).
||Source : Bloomberg LP. Au 29 juin 2015.
¶Source : Bloomberg LP. “German-bond investors just lost 25 years of yield in 14 days”, 6 mai 2015..
**Source : Bloomberg LP.
‡‡Source : The Economist, « Frozen », 18 avril 2015.