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Commentaire

Ce que mon père m’a appris – 1e trimestre 2015

By Ted Chisholm, portfolio manager
07 avril 2015

Quand je me suis installé pour écrire mon prédédent commentaire en mars 2014, mon père, Peter Chisholm, venait de se faire diagnostiquer une pneumonie. Malheureusement, la situation était nettement plus grave que ça et quelques semaines plus tard, il était décédé d’une forme très agressive de lymphome à cellules B. Depuis, il ne passe pas un jour sans que je songe à l’influence positive qu’il a eue sur ma vie, sur la vie de ma famille et sur la vie d’autres personnes, dont bien des gens que je n’ai rencontrés qu’en raison de son décès.

Vous vous demandez sûrement en quoi l’influence positive que mon père a eue sur moi vous concerne. Je crois que c’est parce que nous sommes tous des produits de la nature et de l’environnement. Bien que je ne tenterai pas de qualifier ou de quantifier la valeur naturelle de l’ADN qu’il m’a transmis, je voudrais tout de même vous parler de la façon dont j’ai été élevé, car j’estime que les valeurs et les principes que mes parents m’ont enseignés ont une profonde influence sur la manière dont j’investis vos économies. Dans mes trois précédents commentaires, j’ai tenté de décrire comment nous pensons, plutôt que de décrire ce que nous pensons. Je ne vois pas comment je pourrais mieux vous éclairer sur la question qu’en vous expliquant d’où je viens. Quand j’ai commencé à réfléchir à ce commentaire, j’ai aussi songé au fait que vous m’avez confié une partie des économies de toute votre vie même si dans bien des cas, vous ne savez rien de moi au-delà du fait que je fais partie de votre équipe de placement EdgePoint. J’espère, dans une faible mesure, me montrer digne de votre confiance en vous éclairant sur les valeurs que mes parents m’ont inculquées et qui dictent les décisions que je prends en votre nom.

Pour commencer, je crois qu’il serait utile de vous présenter un survol de la vie de mon père. Ensuite, je tenterai de vous faire voir comment mon père a selon moi influencé ma façon de penser. Mon père a passé une grande partie de sa vie à Lucan et à London, en Ontario, ainsi qu’à Placerville, en Californie, où mon grand-père détenait une mine d’or. Sa mère (ma grand-mère) est décédée lorsqu’il avait neuf ans; avec son frère et ses deux sœurs, ils ont ensuite passé plus d’un an dans un orphelinat tandis que mon grand-père cherchait un moyen de prendre soin de quatre enfants. Mon père a commencé à travailler à 12 ans pour aider sa famille et a continué de le faire jusque dans sa trentaine avancée. Même s’il a été recruté par les Maple Leafs de Toronto, il a plutôt choisi de poursuivre ses études post-secondaires, principalement parce qu’à cette époque, les joueurs de hockey ne gagnaient pas bien leur vie. Pour terminer l’école secondaire, il devait se rendre en autostop chaque jour de Lucan à London, située 34 kilomètres plus loin, car l’école secondaire de Lucan ne donnait pas de cours de 13e année et n’avait pas de service de bus. Une fois l’école secondaire terminée, mon père est allé au Collège militaire royal (CMR), où il est devenu chef d’escadron et a été rebaptisé Pogo, du nom du personnage de bande dessinée (nous y reviendrons).

Après avoir obtenu son diplôme, il a servi dans les forces spéciales canadiennes en Corée pendant un an et, comme le service militaire était obligatoire en contrepartie des études gratuites au CMR, il a passé trois autres années au sein du Génie royal canadien une fois la guerre terminée. Après avoir quitté l’armée, il a obtenu sa maîtrise en génie à l’Université de Toronto et a effectué son doctorat à Stanford. Il a travaillé de longues années comme ingénieur-conseil. Lorsqu’il en a eu assez de voyager pour son travail en 1969, il est devenu professeur de génie à temps plein à l’Université de Guelph. Né au début de la grande dépression, mon père n’estimait pas que les circonstances difficiles auxquelles il avait dû faire face étaient plus dures que celles des autres, ce qui explique probablement pourquoi c’est ma mère qui m’a raconté les histoires de son enfance plutôt que lui.

Mon père m’a enseigné d’innombrables leçons, mais je me suis dit qu’il serait plus utile de nous concentrer sur celles qui influencent mon quotidien à EdgePoint, et donc vos investissements.

Bien faire pour bien faire

La devise du CMR est « Vérité, Devoir, Vaillance ». Mon père a choisi de me transférer ces valeurs en une seule phrase toute simple : bien faire pour bien faire. Il estimait qu’en faisant de son mieux de façon dévouée, de bonnes choses allaient s’ensuivre, même si la motivation de bien faire n’était pas claire dès le début. À EdgePoint, j’ai la chance d’être entouré de gens qui ont comme principe de base, comme l’indique le credo de notre entreprise, de toujours vous faire passer en premier dans toutes nos décisions d’affaires. En tant que votre fiduciaire, nous avons le devoir d’agir pour votre bien plutôt que pour le nôtre. Pour nous, c’est bien plus qu’une responsabilité juridique. Être votre fiduciaire et s’occuper de vos économies est à la base de tout ce que nous faisons; c’est carrément notre principe directeur. Vous pensez probablement qu’il s’agit d’une valeur partagée dans l’ensemble de notre industrie, mais laissez-moi vous dire que ce n’est pas le cas. Pour moi, cela est clairement représenté par la croissance de la reproduction partielle de l’indice; 12 des 20 plus importantes sociétés de fonds communs de placement se présentent comme des gestionnaires actifs alors qu’elles font en fait de la gestion indicielle non avouée (Source : Cremers, M., Ferreira, M., Matos, P. et Starks, L., « The Mutual Fund Industry Worldwide: Explicit and Closet Indexing, Fees, and Performance », Social Science Research Network, 2013). Les sociétés faisant de la gestion indicielle ne font pas grand-chose de plus que de percevoir des frais pour offrir des rendements un peu moins bons que ceux de leur indice de référence une fois les frais pris en compte. Je pense que vous serez d’accord pour dire que la vérité et le devoir manquent énormément à leurs activités.

La vaillance n’est probablement pas le premier attribut auquel on pense quand on parle de gestion de portefeuille, mais cela nécessite tout de même un peu de courage. Il faut du courage pour acheter des titres qui ont perdu 40 % de leur valeur en une seule journée – ce que Tye, Geoff et moi avons chacun fait. Rien de ce que nous faisons n’est une question de vie ou de mort, et je ne veux pas exagérer l’importance du courage, mais notre capacité à bien maîtriser nos émotions en période de stress est un aspect important qui contribue au succès à long terme de vos placements chez EdgePoint.

La curiosité

J’ai mentionné auparavant que mon père avait été rebaptisé Pogo au CMR, du nom du personnage de bande dessinée. Ce n’était pas seulement en raison de son côté aimable et philosophique; c’était aussi à cause de la réplique culte de cette bande dessinée : « Nous avons vu l’ennemi : c’est nous. » La curiosité de mon père n’avait pas de limites. Un de ses amis a bien mis en évidence cette facette de sa personnalité en racontant une anecdote survenue à l’époque où ils étaient affectés au Yukon après la guerre de Corée. Il a raconté qu’il était en randonnée dans les montagnes avec mon père quand ils ont découvert une caverne ou plutôt une tanière. Mon père voulait y entrer pour voir ce qui s’y trouvait. Son ami a répondu qu’il l’attendrait un peu plus loin, juste assez loin pour se donner une bonne avance si le grizzly qui se trouvait fort probablement à l’intérieur décidait de les pourchasser.

Nous avons tous entendu parler de gens ayant une « curiosité naturelle ». En ce qui me concerne, je ne crois pas que la curiosité soit naturelle. Je ne crois pas non plus qu’elle s’enseigne. C’est plutôt quelque chose que l’on absorbe par l’observation des gens qui nous entourent et par le dialogue avec ceux-ci durant nos premières années de développement. Mon père avait des intérêts extrêmement variés, allant de la nature à toutes les sphères de la science en passant par le sport et même la philosophie, et sa curiosité a certainement déteint sur moi. Je suis certain que le décès précipité de sa mère a donné encore plus de latitude à sa curiosité, bien plus que ce que la plupart des mères (dont la mienne) pourraient tolérer, surtout en ce qui a trait aux ours carnivores!

Les cinq membres de votre équipe de placement EdgePoint sont des généralistes, ce qui signifie que nous investissons dans des sociétés de partout dans le monde qui sont actives dans une grande variété de secteurs. La majorité de notre travail consiste en de la recherche fondamentale de base sur les sociétés qui nous intéressent. Essentiellement, nous lisons toute la journée et adorons faire des découvertes. En bref, la curiosité de savoir quelles cavernes nous devons explorer en profondeur et quelles cavernes ne nécessitent qu’un bref coup d’œil avant de passer à la prochaine est essentielle au succès de nos placements. Vous pouvez donc remercier ma mère de m’avoir aidé à comprendre quelles cavernes je devais éviter.

L’attention aux détails

Si vous avez déduit que mon père était axé sur les détails, car il était ingénieur, vous avez raison. Quand il m’aidait à faire mes devoirs, il me disait toujours de faire attention aux détails. Je suivais ses conseils. Il m’a aussi enseigné que certains détails sont cruciaux tandis que bien d’autres sont totalement insignifiants. Dans la recherche en placement comme en science, les meilleurs résultats sont obtenus lorsqu’on se concentre sur les deux premières catégories de détails et que l’on ignore le reste. Pour obtenir du succès en placement, il faut être en mesure de séparer le signal (les détails cruciaux et importants) du bruit (les choses insignifiantes, mais souvent intéressantes). Nous montons des modèles de feuilles de calcul pour bien comprendre les spécificités financières des sociétés dans lesquelles nous investissons. J’estime que la plus grande utilité de ces modèles est leur capacité de préciser nos questionnements à propos des sociétés plutôt que de prévoir le rendement des placements. La clé de notre succès est d’être prêt à poser les bonnes questions au sein d’un monde intrinsèquement incertain. Savoir poser les bonnes questions nous permet de filtrer le bruit et de dégager les détails importants nécessaires pour établir, soutenir ou rejeter une thèse de placement.

Être préparé, avec les bonnes questions, est important, tout comme être en mesure de tempérer les réponses obtenues au moyen d’une bonne dose de scepticisme. Vous pourriez penser qu’une personne qui a fréquenté le CMR et a servi dans les forces spéciales ne remettrait jamais en question l’autorité. Ce n’était pas le cas de mon père. Ce n’était pas une question de manque de respect ou de cynisme. Il avait plutôt appris au fil de ses expériences que même les chefs font de grosses erreurs apparemment irrationnelles et sont souvent dogmatiques dans leur refus d’accepter leur responsabilité. Quand je parle à des cadres, je prends pour acquis qu’ils me disent ce qu’ils pensent que je veux entendre. Une partie de notre processus est de « faire confiance, mais vérifier », ce qui veut dire que nous ne croyons pas nécessairement les équipes de gestion sur parole et que nous confirmons toujours par nous-mêmes les détails qu’ils nous donnent.

C’est probablement Mies van der Rohe qui l’a exprimé le mieux : « Dieu est dans les détails. »

La patience

Mes meilleurs souvenirs de mon père remontent à un voyage de pêche à la mouche sur la rivière Crowsnest dans le sud-ouest de l’Alberta. C’est un endroit magnifique et paisible où j’ai bien hâte de retourner.

Mon père était un fervent de la pêche. Quand il me montrait comment pêcher, souvent notre patience était mise à l’épreuve pendant des heures sous la pluie sans que ça ne morde où en rembobinant un moulinet qui se transformait en nid d’oiseau. Mon père disait que comme la plupart des gens, je préférais attraper un poisson que pêcher. Maintenant que je suis plus vieux, je saisis mieux les subtilités de la pêche, ce qui comprend parfois une longue poursuite avant d’obtenir un résultat. La chose la plus importante que la pêche m’a enseignée est la patience et je crois que sans patience, il est souvent difficile d’avoir la volonté de persévérer.

Quand EdgePoint a vu le jour en 2008, trouver de bons placements était comme pêcher dans une rivière pleine de poissons très affamés. Au fil du temps et à mesure que l’économie s’est redressée, notre capacité à trouver de bons placements est devenue comme un voyage de pêche typique où la patience et la persévérance sont de mise, car les poissons sont moins nombreux et pas aussi affamés. C’est quand les occasions de placement sont moins fructueuses que nos 70 années d’expérience collective nous rappellent que de hâter le processus au moyen d’activités non nécessaires risque de faire plus de tort que de bien. Ce qui compte est notre volonté de poursuivre une occasion; apporter fréquemment d’importants changements ou hâter le processus ne compte pas.

La patience est nécessaire tant dans le cadre des nouvelles occasions de placement que pour les sociétés dans lesquelles nous avons déjà investi. Quand nous investissons, nous investissons dans le futur et les choses ne se passent pas toujours comme nous le souhaitons. La patience et le calme sont nécessaires pour vivre les hauts et les bas du rendement d’un placement à court terme. Saisir les occasions et reconnaître ouvertement nos erreurs sont deux des plus importants déterminants de notre succès à long terme.

Le processus est important

À l’Université de Guelph, mon père était reconnu comme étant le père du design. Qu’il s’agisse de planifier une usine de traitement des eaux usées ou le premier programme canadien de traitement des déchets solides, mon père utilisait toujours un processus pour arriver à ses fins. En plus de me dire que je devais bien faire pour bien faire, il croyait aussi qu’un travail devait être bien fait ou pas fait du tout. Une de mes corvées quand j’étais enfant était de nettoyer la piscine familiale. Le processus consistait à aspirer lentement et méthodiquement le limon déposé au fond de la piscine en s’assurant qu’il ne soit pas soulevé et rende l’eau trouble. Avant d’en venir à maîtriser ce processus, j’ai passé énormément de temps à passer l’aspirateur.

À EdgePoint, nous utilisons un processus de placement hérité de Bob Krembil, processus qu’il a développé et raffiné pendant des décennies. Il ne s’agit pas de la seule approche de placement existante, mais nous croyons que c’est la meilleure. Lors de mes trois derniers commentaires (Les renards et les hérissonsL’importance du processus par rapport au résultat et Aucune place à l’émotion), j’ai expliqué les raisons pour lesquelles je crois que ce processus donne de meilleurs résultats et j’ai appuyé mes dires avec des preuves empiriques. Pour faire simple, nous investissons dans un portefeuille concentré de sociétés de qualité. Lorsque nous plaçons vos dollars dans une société, nous adoptons une perspective a long terme. Ce processus nous donne le temps de découvrir les meilleures occasions de placement dans le monde, d’examiner les détails en toute lucidité et de patiemment laisser le scénario de placement se dérouler. Il nous permet de bien faire notre travail.

Perspective mondiale

La société EPAM Systems, basée en Pennsylvanie, est un fournisseur mondial de services impartis de conception et d’essai de logiciels. J’ai découvert EPAM en faisant des recherches sur une autre société d’EdgePoint (Atos SA) qui fait aussi dans le développement de logiciels. Ce qui est unique à EPAM, c’est que la majorité de ses concepteurs de logiciels sont situés en Ukraine et au Bélarus, et quelques uns sont en Hongrie et en Russie. Bien que ses concepteurs soient en Europe de l’Est, ses clients sont des éditeurs de logiciels d’envergure mondiale comme Microsoft et Google ainsi que de grandes sociétés qui développent leurs propres logiciels internes, comme Canadian Tire. En me renseignant sur EPAM, j’ai appris qu’elle employait la crème de la crème des concepteurs de logiciels, et que ses concepteurs étaient nettement plus compétents que ceux de la plupart de ses concurrents situés en Inde et au moins aussi compétents que ceux des grandes sociétés occidentales de services impartis de conception de logiciels, comme Accenture et Atos. Qu’est-ce qui la distinguait de ses homologues occidentales? Ses tarifs étaient nettement moins élevés et elle pouvait faire le travail bien plus rapidement.

Lors de mes premières recherches sur EPAM, j’y voyais une société très attrayante avec d’importantes perspectives de croissance. Bien qu’elle était meilleure et coûtait moins cher que ses principales rivales, elle occupait une très petite part du marché mondial des services impartis de conception de logiciels. À mesure que sa réputation de travail de qualité à bas prix a fait son chemin, ses revenus et ses gains ont grandi de plus de 30 %. Ainsi, son titre coûtait très cher et je l’ai donc ajoutée à ma liste de sociétés à surveiller.

L’évaluation d’EPAM est devenue nettement plus attrayante vers la fin du mois de février 2014 quand la révolution a éclaté en Ukraine. Elle est devenue encore plus intéressante en mars 2014 quand des éléments propices à une guerre civile ont fait leur apparition dans l’est du pays. Quand nous avons commencé à investir dans EPAM en mars 2014, le titre avait perdu près de 40 % de sa valeur et son évaluation était très attrayante. Bien qu’une grande partie de son personnel de conception de logiciel était situé à Kiev, la société n’a connu que quelques désagréments mineurs durant le soulèvement politique. Et surtout, plus de 90 % de ses revenus provenaient de clients situés aux États-Unis et en Europe. Nous avons appris de ces clients que bien qu’ils étaient inquiets et qu’ils suivaient de près la situation en Ukraine, ce n’était rien de nouveau pour eux. Ils avaient de l’expérience avec d’autres partenaires de services impartis situés dans des zones de conflit, notamment en Inde, en Russie, au Maroc et en Tunisie. C’était une chose avec laquelle ils avaient appris à vivre.

Nous sommes parvenus à inclure une petite participation dans EPAM dans les portefeuilles mondiaux en mars et avril de l’an dernier. Comme EPAM continuait à afficher d’excellents résultats financiers et que d’autres investisseurs ont finalement compris que le conflit se limitait à la partie est de l’Ukraine (loin des concepteurs d’EPAM), le titre a récupéré toute sa valeur et bien plus encore. Nous avons vendu nos parts quand l’évaluation est devenue moins attrayante relativement à l’occasion.

Perspective canadienne

Lors d’un congrès sur les placements en août 2011, j’ai assisté à la présentation d’une société canadienne nommée Altus, sur laquelle j’ai ensuite fait des recherches. Bien que j’étais intéressé, je n’étais pas à l’aise avec le montant de sa dette et j’ai décidé de laisser tomber. Cependant, en faisant mes recherches, j’ai découvert qu’Altus détenait des actions d’une société appelée Real Matters. Bien qu’il s’agissait d’une société privée, j’ai pu creuser un peu, notamment en parlant à un ami qui présidait l’Institut canadien des évaluateurs, l’industrie dans laquelle Real Matters est active.

Nous avons ensuite parlé à un banquier et révélé que nous étions intéressés à racheter les parts d’Altus dans Real Matters si elle voulait les vendre pour réduire sa dette. Tye, Geoff et moi-même avons rencontré le chef de la direction qui était récemment entré en fonction et durant notre rencontre, il nous a lancé un regard qui disait « si vous êtes intéressés à acheter, je ne devrais probablement pas songer à vendre ». Il a refusé notre offre.

Real Matters a ensuite dû réunir des fonds et après avoir rencontré son chef de la direction et son directeur financier, nous avons décidé d’investir. Essentiellement, la société automatise le processus d’évaluation des biens immobiliers afin de le rendre plus efficace et moins coûteux. Elle offre aussi un meilleur cadre d’évaluation afin de faire en sorte que les biens immobiliers soient évalués de manière adéquate. Cette occasion découle en partie du nouveau processus réglementaire en vigueur aux États-Unis qui fait en sorte que les banques qui accordent les prêts ne réalisent pas aussi l’évaluation. Cela permet d’éviter que les banques gonflent les valeurs des propriétés et les occasions de prêt. Le chef de la direction Jason Smith, fondateur et actionnaire important de Real Matters, et son équipe ont livré bien plus que nous estimions possible. Ils ont mené la société de rien à une part de marché de 9 %. Real Matters a récemment conclu des ententes avec d’importants clients et nous nous attendons à ce qu’elle continue d’accroître sa part de marché.

Je me sens privilégié d’avoir été élevé par mes parents d’une manière qui, selon eux, pourrait me permettre de faire une différence dans le monde. Je me sens également privilégié de pouvoir travailler à EdgePoint avec des gens dont je partage les valeurs et les principes. Nous continuerons de les appliquer à notre objectif commun qui est d’atteindre, sur une période de dix ans, un rendement de placement situé au sommet ou près du sommet des catégories dans lesquelles nous nous battons.


Commentaires sur les titres à revenu fixe
Par Frank Mullen, gestionnaire de portefeuille

« Toute personne intelligente et non confuse ne comprend pas très bien la situation. »- Charlie Munger, assemblée générale annuelle du Daily Journal, mars 2015

Bien que je ne prétende pas être aussi intelligent que Charlie Munger, je trouve cette citation très réconfortante vu le niveau de confusion que j’atteins quand j’analyse la conjoncture mondiale actuelle des taux d’intérêt et de crédit.

Les taux déjà peu élevés continuent de baisser

À la même période l’an dernier, nous aurions qualifié la conjoncture d’environnement à faibles taux d’intérêt, et pourtant, ces taux ont depuis continué de baisser partout dans le monde. Si nous estimions que les obligations du gouvernement du Canada étaient déjà faibles à un taux de 2,5 %, aujourd’hui ces mêmes obligations affichent un taux de 1,35 %, une chute de 115 points de base (pb) en seulement 12 mois. Et cela ne se voit pas qu’au Canada; les taux aux États-Unis et en Allemagne ont chuté de 85 et 140 pb, respectivement. En fait, on a noté une baisse semblable dans la plupart des pays développés.

En général, les investisseurs achètent des obligations pour obtenir un revenu, mais au cours des 12 derniers mois, ils ont obtenu des rendements inhabituellement élevés en raison de la chute des taux d’intérêt et de l’augmentation subséquente des prix. Par exemple, si vous avez acquis une obligation de 10 ans du gouvernement des États-Unis au début de 2014 et que vous l’avez conservée pendant un an, vous aurez gagné plus de 10,5 %, un excellent rendement pour une obligation dont le taux de départ n’était que de 3 %. Nous sommes dans une tout autre situation aujourd’hui, car le point de départ est un taux de 1,9 % et le prix des obligations est plus élevé. Les taux devraient chuter d’environ 100 pb pour que nous puissions connaître une autre année de 10 %, ce qui laisserait les taux d’intérêt de 10 ans sous la barre du 1 %. Bien que bon nombre d’investisseurs soient concentrés sur les marchés des actions à forte évaluation, la majorité ne se rend pas compte que des risques du même genre existent dans le marché des obligations. Les excellents rendements enregistrés récemment ont réduit le potentiel de rendement futur.

Mais les rendements ne sont qu’un côté de la médaille. On ne peut juger de l’attrait d’un rendement potentiel qu’en le comparant aux risques qui doivent être pris pour l’atteindre. Nous pensons depuis longtemps que les taux vont augmenter à un certain moment. Nous essayons évidemment de comprendre ce qui arrivera à un placement si les taux font effectivement demi-tour, mais nous ne prétendons pas être en mesure de prédire quand cela se fera. Les importants rendements que les détenteurs d’obligations à long terme ont récemment obtenus s’inverseront si les taux commencent à monter. À mon avis, les faibles taux actuels ne sont pas une compensation suffisante pour ce risque.

Certains investisseurs axés sur les titres à revenu fixe achètent des obligations à faible taux, car ils estiment que les taux vont continuer de baisser. Il espèrent vendre leurs obligations avant la hausse potentielle. Nous ne prétendons pas être assez brillants pour prédire ces événements, et nous continuons d’acheter des obligations à très court terme.

L’approche Costanza

On a tendance à croire que 0 % serait le taux le plus bas possible pour un placement à revenu fixe, mais les taux sont en ce moment négatifs dans plusieurs secteurs du marché des obligations. Qu’est-ce que cela signifie? Nous sommes dans un environnement où au lieu de gagner de l’argent en prêtant de l’argent, les investisseurs paient l’emprunteur pour ce droit.

Des titres de créance des gouvernements danois, suisse et allemand dont l’échéance va jusqu’à cinq ans s’échangent actuellement à des taux négatifs. Cette tendance a été solidifiée par les récents commentaires de la Banque centrale européenne, qui a indiqué qu’elle désirait acheter des obligations à taux négatif dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif. Ne croyez pas que cela se limite aux titres de créance des gouvernements; nous constatons la même chose dans le marché européen des obligations de sociétés.

Une bonne solvabilité?

Dans le passé, j’ai écrit à propos de la détérioration de la solvabilité dans le marché à rendement élevé nord-américain. La recherche de taux avantageux par les investisseurs a non seulement resserré les écarts de taux et fait baisser les taux des obligations, mais elle a aussi donné le pouvoir de négociation à l’emprunteur. Au début de la tendance, nous étions plutôt surpris de voir des emprunteurs émettre des obligations sans les clauses restrictives habituellement ajoutées pour protéger les investisseurs. La situation est devenue encore plus perverse; les investisseurs achètent désormais des obligations des sociétés qui refusent de publier leurs résultats financiers. Comment peut-on évaluer la solvabilité d’un placement sans consulter les résultats financiers? Acheter des obligations en se fondant uniquement sur le taux sans se soucier des données fondamentales de l’emprunteur pourrait mener à la catastrophe. Nous sommes fiers de notre capacité à effectuer des analyses de crédit approfondies. C’est la base de notre approche de placement. Soyez assurés que nous n’achèterons jamais de titres de créance ou d’actions d’une société sans consulter ses résultats financiers.

Mode de gestion du risque

En tenant compte des points mentionnés ci-dessus, je vois de nombreux risques potentiels pour les investisseurs axés sur les titres à revenu fixe. Il est impossible de savoir si l’un ou l’autre de ces risques causera du tort aux investisseurs, mais j’estime qu’il serait plus prudent d’investir comme s’il s’agissait d’une réelle possibilité. Un investisseur doit être dédommagé pour le risque qu’il prend et dans notre conjoncture à faibles taux, il est difficile de comprendre comment cela peut se faire. Sachant cela, nous sommes toujours très à l’aise de maintenir notre pondération en titres à revenu fixe dans nos portefeuilles de fonds de croissance et de revenu assez basse, à 30 %, tout en maintenant les termes assez courts, évitant les obligations à long terme.

Notre approche de placement est axée sur l’analyse de crédit et le développement de points de vue exclusifs. Cela nous a toujours aidé à éviter bon nombre des risques dont j’ai parlé, et nous sommes toujours certains de pouvoir trouver des occasions attrayantes.

Les risques engendrent des occasions

La récente volatilité du marché pétrolier a eu des effets directs sur le marché à rendement élevé, et nous avons effectué des placements pour profiter d’occasions potentielles. Ceux qui connaissent notre approche de placement savent que nous percevons la volatilité comme une occasion, plutôt que comme un risque. Si vous croyez connaître la valeur d’une société et de sa dette, vous espérez que le prix baissera soudainement, car cela vous donnera l’occasion d’investir à un prix moindre. La baisse radicale du prix du pétrole a eu des répercussions sur les données fondamentales de toutes les sociétés de l’industrie de l’énergie, incluant leur dette. Si les données fondamentales à court terme ont changé, les prix des titres ont changé également. Bien des producteurs pétroliers et gaziers et des sociétés de services énergétiques ont vu le prix de leur titre et de leurs obligations chuter beaucoup. Nous nous sommes concentrés à identifier des sociétés dont les données fondamentales sont suffisamment solides pour subir une période prolongée de prix des produits énergétiques peu élevés, et qui pourront, avec un peu de chance, sortir de ce ralentissement plus fortes qu’elles ne l’étaient auparavant. Nous avons été sélectifs dans nos choix, mais nous avons augmenté nos participations dans divers émetteurs et continuons d’être à l’affût d’occasions dans le secteur.

Je crois qu’il convient de conclure sur une autre citation de Charlie Munger qui résume bien la façon dont nous essayons de fonctionner dans la conjoncture actuelle. Nous nous efforçons de créer de la valeur pour nos clients non seulement en dénichant d’intéressantes occasions de placement, mais aussi en évitant de nous lancer dans des situations que nous ne comprenons pas pleinement. Aujourd’hui, éviter le risque est tout aussi important pour le rendement, sinon plus, que le taux de rendement généré.

« Il est fascinant de constater l’importance des avantages à long terme que les gens comme nous ont obtenus en tentant de ne pas être stupide, plutôt qu’en tentant d’être très intelligents. »- Charlie Munger