Rien n’est gratuit (et dépourvu de risques) – 2e trimestre 2018
J’ai discuté récemment avec un conseiller financier de la difficulté, dans le marché actuel, de structurer un portefeuille afin de générer le rendement cible du client. Les marchés des actions le rendaient craintif. Il s’inquiétait des cours élevés, du marché haussier de longue durée et de la nouvelle influence de Twitter sur la géopolitique et les marchés financiers. Malgré les difficultés à trouver des placements en actions potentiels, il croyait en sa solution visant les titres à revenu fixe. Celle-ci était axée sur quelques portefeuilles qui procurent des rendements supérieurs à 5 % et ne présentent aucun risque. Ses commentaires reflétaient ce dont plusieurs se vantent : de leur étonnante capacité à trouver des solutions à revenu fixe qui procurent des rendements élevés sans risque.
La plupart des investisseurs comprennent que les rendements des actions ne sont pas garantis et ne vont pas toujours en augmentant. Je suis fasciné par le fait qu’une notion bien connue sur les actions peut être totalement mise de côté au sujet des titres à revenu fixe. Votre grand-mère avait raison. Aujourd’hui, il n’y a rien de gratuit et il est impossible de générer des rendements de plus de 5 % sans s’exposer à des risques.
Lorsqu’on parle de risque, certains veulent prendre leurs jambes à leur cou. Il évoque pour eux un pari irréfléchi sur un jet de dés ou un tour de roulette. Bien que le pari soit risqué, je ne pense pas qu’il ait beaucoup en commun avec l’investissement. Les parieurs se concentrent sur le montant qu’ils peuvent gagner et l’attrait du gain rapide. Dans le marché financier, ce comportement se compare au fait d’acheter des actions de la société à très petite capitalisation « très prometteuse » que votre voisin a mentionné lors du dernier BBQ. Risquer ses capitaux et espérer un rendement ne répond pas à la définition d’investir.
À mon avis, les vrais investisseurs ne se concentrent jamais uniquement sur le potentiel de hausse. Ils comprennent que, pour obtenir un rendement, il faut prendre des risques. Ce qui distingue l’investissement de la spéculation est la capacité d’analyser et de gérer adéquatement ces risques. Acquérir un portefeuille de titres à revenu fixe qui génère un rendement de 5 % dans le contexte actuel peut s’avérer un bon placement, mais il n’est certainement pas dépourvu de risques
Là où le vent souffle
Les bons du Trésor sont souvent perçus comme la référence de l’investissement sans risque. Récemment, les obligations du Trésor à 10 ans des É.-U. ont eu du mal à générer des rendements supérieurs à 3 %i. Tout placement qui procure plus de 60 % de qu’on appelle le taux sans risque doit comporter une certaine forme de risque. Je n’ai pas encore rencontré d’investisseur qui se croit magicien, mais nombreux sont ceux qui pensent avoir trouvé une formule magique pour les titres à revenu fixe.
Honnêtement, les investisseurs peuvent perdre de l’argent même avec des obligations. Toute personne responsable de bâtir un portefeuille de placement doit comprendre ce fait crucial. Il ne s’agit pas d’une tactique pour effrayer, mais de la réalité, et les investisseurs qui l’acceptent s’en portent mieux.
Il est facile de comprendre pour quelle raison l’investisseur moyen est persuadé qu’on ne perd pas d’argent avec les obligations. Depuis 30 ans, les taux d’intérêt diminuent et procurent un vent favorable pour une génération entière d’investisseurs. Ces conditions ne peuvent pas se poursuivre éternellement et au cours des deux dernières années, nous avons observé ce qui se passe lorsque les taux augmentent. Des vents arrières peuvent rapidement devenir des vents contraires, comme l’ont appris à leurs dépens ceux qui ont acquis des obligations d’État à 10 ans des États-Unis il y a environ deux ans au taux de 1,50 %ii. D’une valeur de 100 $ au départ, elles se négocient aujourd’hui tout juste au-dessus de 90 $. Il semblerait que même les obligations peuvent perdre de la valeur.
Certains diront qu’un investisseur qui les garde jusqu’à l’échéance récupéra son investissement initial de 100 $ sans enregistrer de perte. Bien que ce soit vrai techniquement, il faudrait que l’investisseur puisse encaisser ce type de volatilité et ignore le rendement réel de l’obligation. Si les taux d’intérêt augmentent, il est probable que l’inflation augmente elle aussi et gruge le pouvoir d’achat du placement de 100 $. Je suis persuadé que quiconque a acquis cette obligation est touché par un taux d’inflation supérieur à 1,50 %.
Les obligations d’État sont les plus sensibles aux taux d’intérêt. Pour éviter de prendre un exemple précis, examinons un indice d’obligations des États-Unis de qualité supérieure qui représente les obligations de sociétés de qualité supérieure. De nombreux investisseurs présument que leur cote de crédit élevée est synonyme de faible risque. Toutefois, un investisseur qui a acquis des titres de cet indice a encaissé une perte supérieure à 3 % depuis le début de l’exerciceiii. Bien que ce ne soit pas désastreux, on peut penser que les investisseurs en titres à revenu fixe les plus prudents ne l’avaient pas prévu ainsi. Espérons maintenant que cette perte ne sera pas annualisée sur la seconde moitié de l’année.
Approche prudente
Si vous lisez ces lignes, vous savez sûrement que les titres à revenu fixe des Portefeuilles équilibrés EdgePoint procurent un rendement de 4 % en ce moment. Comment faisons-nous et quels risques prenons-nous?
Je crois que la principale façon d’investir sans spéculer consiste à adopter une approche de placement définie. La nôtre consiste à analyser les entreprises afin d’en tirer nos points de vue exclusifs. Nous sommes devenus habiles pour dénicher des occasions dans les obligations de sociétés en nous appuyant sur notre analyse de la position concurrentielle, des possibilités de croissance et de la valeur de l’actif d’une société. Nous n’avons pas de boule de cristal et nous devons prendre des risques lorsque nous utilisons notre approche. Nous gérons ces risques en appuyant nos placements sur un contrôle diligent et en les diversifiant pour éviter de mettre tous nos œufs dans le même panier.
Du point de vue d’une approche de placement prudente, prendre des risques n’est pas une mauvaise chose et est même nécessaire pour générer un rendement supérieur à celui du taux sans risque. Notre approche nous amène à prendre des risques uniquement lorsque nous avons une opinion différente du marché et pensons que le rendement justifie que nous prenions un tel risque.
À mon avis, bien comprendre l’approche et les risques du portefeuille dans lequel vous investissez est la seule manière de bien investir à long terme. Rien n’est plus inconfortable que de voir baisser la valeur de votre placement sans pouvoir déterminer si sa valeur est maintenant supérieure. Est-il en solde ou y a-t-il eu un changement? Vous pouvez répondre à cette question seulement si vous croyez en votre approche de placement et connaissez bien vos placements.
Votre obligation d’État à 10 ans demeure-t-elle attrayante après avoir perdu 10 % de sa valeur en raison de la hausse des taux d’intérêt? Avez-vous la ferme intention d’en acheter plus à ce prix?
Je suis plus à l’aise d’analyser les données fondamentales d’une entreprise. Lorsque le prix d’une obligation de qualité supérieure diminue, notre approche consiste à revoir notre hypothèse et à déterminer si la baisse s’explique par un changement des données fondamentales ou une réaction à des facteurs à court terme. Nous remettons en question sa position concurrentielle ou sa capacité bénéficiaire et déterminons si les obligations continuent de représenter une occasion de placement attrayante à ce nouveau prix. Tenter de tirer avantage de la volatilité découlant des changements de prix est un aspect fondamental de notre approche.
Nous nous concentrons sur les obligations de sociétés puisqu’elles s’harmonisent bien avec notre approche et nous exposent à un risque que nous sommes en mesure d’analyser. Nous privilégions les titres à court terme parce que nous ne pensons pas pouvoir prédire l’orientation des taux d’intérêt ou des politiques gouvernementales.
Les investisseurs pensent généralement que les titres à revenu fixe présentent moins de risques que les actions. La baisse des taux d’intérêt au cours des dernières décennies et les rendements soutenus ont créé une illusion de sécurité, mais les deux dernières années nous ont rappelé qu’un risque faible n’est pas un risque nul. Si les vents contraires soufflant récemment sur les marchés des titres à revenu fixe se poursuivent, ils pourraient inciter les investisseurs à prendre des décisions émotives plutôt que rationnelles. Souvent, ils vendent leurs placements lorsque leur valeur diminue, pour ensuite poser des questions. Nous tirons parti de telles occasions.
En plus de protéger nos placements contre les variations des taux d’intérêt et des écarts de crédit, leur faible durée nous permet de réinvestir nos paiements de capital à l’échéance dans un marché plus favorable. Nous sommes d’avis que notre approche de placement nous permettra de continuer de prendre des risques prudents afin de procurer des rendements à nos investisseurs. Le chemin qui mène aux rendements peut s’avérer plus cahoteux que par le passé, mais nos portefeuilles et notre approche de placement ont été conçus pour que nous puissions tirer parti de ce contexte.
Source: Bloomberg LP. Obligations du Trésor à 10 ans des États-Unis échéant le 15 août 2026. Au 30 juin 2018.
Source: Morgan Stanley, « US Credit Strategy, 1H18 Performance Recap. », 29 juin 2018.