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Commentaire

Fondations chancelantes – 4e trimestre, 2017

10 janvier 2018

Établie en 1964, Steinhoff International Holdings NV est une société de production et de distribution d’articles ménagers. Elle a constitué un portefeuille de 24 marques et compte plus de 12 000 points de vente au détail à l’échelle mondiale, ses activités étant axées sur l’ameublement, les appareils électroménagers et les articles ménagers. Steinhoff a eu recours au crédit pour financer un modèle d’affaires avide d’acquisitions auquel Moody’s a accordé une cote de première qualité. Au début de décembre, ses auditeurs ont déclaré des irrégularités comptables qui ont retardé la publication de ses résultats. Les auditeurs ont invoqué une enquête criminelle et fiscale datant de 2015, qui pourrait mettre à jour une fraude aux proportions monumentales.

Le scandale en soi est fascinant, mais ce qui est advenu du prix de ses titres et de l’un de ses principaux créanciers est encore plus intéressant. Il y a six mois, Steinhoff a émis des titres de créance d’une valeur de 800 millions d’euros à un taux d’intérêt annuel de seulement 1,875 %. Ce taux est digne d’un détaillant d’envergure internationale qui veut regrouper des entreprises. Après la diffusion de la nouvelle par ses auditeurs, le cours de ces obligations chutait pour atteindre aussi peu que 41 cents par dollar (soit une perte de 59 %). Cette baisse a choqué de nombreux investisseurs obligataires, dont l’un de ses principaux investisseurs obligataires déclarés, la Banque centrale européenne (BCE).

L’importance des inspections

Pour stimuler l’économie de la zone euro, la BCE a acheté plus de 100 milliards d’euros de titres de créance de sociétés de première qualité, soit près de 18 % de la totalité des obligations de sociétés européennes. Lorsqu’un acheteur de cette envergure a fait son entrée sur le marché, la demande a fortement poussé à la baisse les rendements et les écarts de taux, en plus de porter les rendements du marché européen des titres à rendement élevé à un niveau plancher historique de 1,9 %.

Personne ne connaît l’issue éventuelle du dossier Steinhoff, mais il soulève des questions que poserait un investisseur en titres de créance curieux :

  • Qui était l’analyste de crédit de la BCE responsable de faire le suivi de Steinhoff?

  • L’analyste était-il d’avis qu’un rendement annuel de 1,875 % indemniserait convenablement la BCE pour un modèle d’affaires fondé sur des emprunts massifs?

  • Avait-il une opinion sur la façon dont les activités de vente au détail se défendraient contre la concurrence en ligne perturbatrice de certaines des plus grandes entreprises du monde?

  • Un membre du personnel de la BCE peut-il négocier avec les emprunteurs si la société doit restructurer ces obligations?

Je ne connais pas bien l’équipe de placement de la BCE, mais je suis assez convaincu qu’elle n’a fait presque aucune analyse avant d’acheter ces obligations. J’insiste sur ce cas précis, car à mon avis, il illustre le comportement qui sous-tend l’attitude de nombreux participants au marché aujourd’hui. Dans un monde de plus en plus assoiffé de rendement, plusieurs investisseurs semblent oublier que les rendements plus élevés s’accompagnent généralement de risques plus importants. Jusqu’à récemment, une banque centrale n’investissait pas dans des titres comportant des risques de crédit. Les banques centrales ne sont pas des investisseurs et, en général, elles ne sont pas organisées pour effectuer l’analyse qui, selon nous, constitue une condition à remplir pour faire un achat.

En dépit des événements que nous avons constatés depuis la crise financière, des défaillances sont et continueront d’être associées aux obligations de sociétés. Ces défaillances infligeront des pertes aux investisseurs qui risquent de dépasser largement les faibles taux d’intérêt nominaux qu’offrent les placements obligataires à l’heure actuelle. Si le prochain cycle de crédit n’arrive jamais, les obligations européennes à rendement élevé assorties d’un taux d’environ 3 % ou leurs contreparties américaines assorties d’un taux de près de 6,20 % pourraient constituer une occasion d’investissement intéressante. Malheureusement, je ne crois tout simplement pas que cette fois-ci soit différente. Les affaires étant cycliques, les concurrents s’empareront de parts du marché et les marges se comprimeront pour de nombreuses entreprises dont le niveau d’endettement ne leur offre pas la souplesse nécessaire pour réagir à de telles menaces. L’investisseur a pour tâche d’éviter ce type d’entreprises, ce qu’il ne peut faire qu’en effectuant les analyses appropriées.

Je ne peux m’empêcher d’établir une comparaison avec des instruments de placement passifs qui ont pour mandat l’achat d’obligations à rendement élevé. Ces instruments n’existaient pas vraiment avant 2007 et représentent aujourd’hui près de 30 milliards de dollars américains d’actifs. À l’instar de la BCE, les investisseurs indiciels passifs achètent des obligations sans faire les recherches nécessaires pour déterminer s’il s’agit de bons placements.

L’autre côté de l’offre et de la demande

Il faut également tenir compte des contrecoups d’un changement d’attitude sur le marché. Les grands acheteurs qui étaient inexistants il y a une décennie (FNB, banques centrales) ont faussé les prix à cause de leur demande insatiable. Si ces acheteurs mettent fin à leurs achats ou, pire encore, commencent à vendre, qu’adviendra-t-il des marchés qu’ils avaient auparavant stimulés? On peut supposer un renversement de la poussée haussière et le commencement d’une période de volatilité à la baisse des marchés. Les forces qui créent une conjoncture de placement difficile pour les gestionnaires actifs, soit un marché qui ne semble que progresser, deviennent soudainement une source de volatilité, un environnement dans lequel nous croyons pouvoir exceller. L’achat d’actifs auprès d’un investisseur qui vend sous la contrainte constitue sans aucun doute la meilleure occasion de placement qui soit.

Nous pouvons dormir en paix si nous estimons que nos investissements nous dédommagent bien pour les risques que nous prenons. Et la seule façon d’y parvenir consiste à effectuer une analyse approfondie du crédit, et à notre avis, il s’agit de l’une de nos forces. Nous ne serons jamais parfaits, mais je préfère faire un achat sélectif d’obligations d’entreprises qui disposent de modèles d’affaires que nous comprenons plutôt que d’investir aveuglément en fonction du rendement seulement.

Des indices sur le marché laissent entendre que de nombreux investisseurs craignent davantage d’obtenir un rendement inférieur à celui d’un indice de référence à court terme que de souffrir d’une perte en capital permanente. Plusieurs des investisseurs qui recherchent des taux de rendement et des taux obligataires ayant été établis en fonction de conditions parfaites ne tiennent tout simplement pas compte de l’évolution du contexte actuel. Nous estimons qu’il est plus prudent d’évaluer les investissements en fonction d’une variété de scénarios. L’histoire a prouvé que les cycles économiques et l’environnement concurrentiel posent souvent des difficultés pour le succès d’une entreprise, ce qui nous amène à nous concentrer sur les causes de défaillance d’une entreprise, sa probabilité et les facteurs atténuants potentiels. Si nous croyons que le prix des obligations ne couvre pas une variété de scénarios plus réalistes, nous n’investissons pas.

Nous tentons toujours de surclasser le marché, mais nous ne partirons pas à la chasse au rendement. Nous savons que cette situation pourrait entraîner un rendement défavorable à court terme, mais sommes sûrs qu’elle est nécessaire pour obtenir des rendements supérieurs à long terme. La protection du capital et le respect de notre approche en matière d’investissement l’emporteront toujours sur le risque lié à l’indice de référence dans nos portefeuilles.

À qui préféreriez-vous prêter de l’argent?
Entreprise AEntreprise B

Puisque nous avons acheté les obligations de l’entreprise A, vous devinez sans doute ce qui nous plaît davantage. Nous avons dû effectuer une grande analyse du crédit pour être à l’aise avec notre investissement, mais nous croyons que ce travail portera ses fruits et nous permettra de trouver des investissements en titres de créance uniques, produisant des rendements intéressants dans le contexte de rendements modestes actuel.

Fondations stables

Peu importe notre contexte d’exploitation, nous nous concentrerons toujours sur ce qui, à notre avis, constitue notre avantage : une analyse approfondie du crédit. Nous continuons de chercher des idées de placement partout dans le monde, et nous sommes persuadés que notre portefeuille est composé favorablement si l’environnement actuel persiste. Plus important encore, nous avons constitué un portefeuille souple qui peut être modifié facilement si une correction a lieu ou que des occasions de placement plus intéressantes se présentent. L’an dernier, nous n’avons pas pu tirer parti de beaucoup de périodes de volatilité. Cependant, nous nous préparons en supposant que la confiance excessive qui règne actuellement ne peut pas persister. Nous serions assurément ravis de constater un niveau de scepticisme renouvelé sur le marché.

Nous vous remercions de votre confiance en 2017 et comptons bien continuer à la mériter au cours des années à venir.

Pour connaître le rendement standard le plus récent, veuillez consulter la page des résultats d'investissement.