« Por favor, haussez les taux d’intérêt! » – 1er trimestre 2018
Je me rends compte que de plus en plus, je souhaite voir les titres à revenu fixe qui composent notre portefeuille de fonds de revenu et de croissance perdre de la valeur (je vous entends soupirer d’ici). Je vous jure que c’est vrai! J’y ai même pensé en rêvassant récemment sur une plage du Mexique : j’espérais revenir au bureau et constater la chute du prix des obligations que nous détenons.
Cette drôle de fantaisie est-elle dépourvue de logique? Non, il faut seulement voir comment fonctionnent les placements dans des obligations.
Les petits caractères des coupons
Une obligation représente la dette de son émetteur, qui est habituellement un État ou une entreprise. Autrement dit, cela signifie qu’à certaines dates, nous recevons, à titre de détenteurs d’obligations, de l’intérêt en fonction du taux d’intérêt nominal fixe de l’obligation. Lorsque celle-ci arrive à échéance, nous récupérons le montant investi au départ.
Les coupons et les dates d’échéance font que les obligations constituent des investissements intéressants, car nous pouvons prévoir quand nous obtiendrons un rendement. Lorsque nous achetons une obligation, nous savons exactement à quelle date nous serons remboursés. De plus, nous tentons de tirer profit des coupons et des dates d’échéance en obtenant un taux d’intérêt élevé (plus facile à dire qu’à faire) et en investissant dans des obligations dont la date d’échéance est rapprochée. Alors, pourquoi souhaiter la baisse de nos obligations? Paradoxalement, c’est pour générer de meilleurs rendements à long terme pour nos investisseurs.
Initiation au jargon des obligations
Taux d’intérêt nominal : pour l’émetteur d’une obligation, taux annuel fixe (en pourcentage) qui détermine le paiement des intérêts relativement au « prêt » obtenu.
Échéance : la date à laquelle le montant intégral, ou le montant du « prêt », est remboursé.
Rendement à l’échéance : estimation du rendement d’une obligation si elle est détenue jusqu’à l’échéance.
Gardez l’œil sur vos affaires et un œil de lynx sur les dates d’échéance
Je vous soumets quelques chiffres. Au début de l’année, le rendement des titres à revenu fixe du Portefeuille canadien de fonds de revenu et de croissance EdgePoint se chiffrait à 3,8 %. Si l’on présume que notre rendement correspond au montant du coupon en moyenne (une règle générale qui ne s’applique pas toujours), alors tout investissement de 100 000 $ rapporte des intérêts de 3 800 $, ce qui n’est pas rien. Mais ce n’est pas tout!
Comme nous avons tendance, contrairement à nos pairs, à souscrire des obligations dont l’échéance est très rapprochée, environ le quart des titres de nos portefeuilles viennent à échéance au cours des 12 prochains mois. Sur un montant de 100 000 $, cela se traduit par une somme additionnelle de 25 000 $ à investir. Si l’on ajoute ce montant aux 3 800 $ d’intérêts susmentionnés, nous obtenons la somme non négligeable de 28 800 $. Et pour que votre placement rapporte, cette coquette somme doit être réinvestie entièrement!
Par conséquent, un investisseur qui détenait le Portefeuille canadien de revenu et de croissance EdgePoint au début de 2018 croyait obtenir un rendement de 3,8 %. Sauf que ce fin calcul du 3,8 %, beaucoup trop complexe pour un touriste sur une plage du Mexique, tient compte de l’hypothèse selon laquelle les 28 800 $ sont réinvestis au même taux d’intérêt. Si, grâce à des pouvoirs mayas, je pouvais faire baisser le prix des obligations à mon retour dans mon pays de neige, inversement, le taux d’intérêt nominal des obligations grimperait, pour offrir des rendements supérieurs aux 3,8 % à l’origine. Même si ce geste avait un effet négatif sur les rendements à court terme, en bout de piste, les investisseurs dont l’horizon de placement se situe plus loin que quelques mois (en espérant que ce soit le cas de tous nos investisseurs) gagneraient au change, car le 28 800 $ engendrerait un rendement plus élevé.
Il arrive que les rêves deviennent réalité. Mais ils mettent parfois du temps à se concrétiser.
Lentement mais sûrement, les taux d’intérêt augmentent tant au Canada qu’aux États-Unis. On pourrait même dire que ce fut probablement un thème dominant dans le monde des titres à revenu fixe au cours du premier trimestre de 2018 (mis à part les trois ou quatre jours de grandes fluctuations qui semblaient intéressantes, mais qui n’ont généré que très peu d’occasions alléchantes pour nous). Le rendement des obligations d’État à cinq ans s’est accru d’environ 10 points de base au Canada et de 40 points de base aux États-Unis* jusqu’à ce jour. Cette hausse a eu un effet bénéfique sur nos prévisions des rendements. Alors que le rendement de nos titres à revenu fixe s’est établi légèrement en deçà des attentes au cours du dernier trimestre, nos rendements, dans leur ensemble, ont connu une hausse de 4,1 %.
Bien entendu, les taux d’intérêt à eux seuls ne peuvent pas entraîner la chute du prix des obligations. En général, les marchés peu risqués peuvent faire en sorte d’accroître les écarts de crédit (toutes mes excuses pour le jargon technique, déformation professionnelle). Parfois, des événements particuliers qui ont peu d’incidence sur les prévisions à long terme pour une société ont un effet négatif sur le prix de ses obligations. Tous ces scénarios peuvent générer des occasions de réinvestissement à rabais. Est-ce le soleil qui me monte à la tête (j’ai littéralement l’air d’une tomate), mais pourquoi ne pas profiter de ces occasions?
Les relations à long terme ont leurs avantages
En effet! Nous avons opté pour une perspective à long terme et acquis des obligations émises par des entreprises qui ont une grande longueur d’avance sur la concurrence dans des secteurs stables et qui présentent de bonnes prévisions de croissance. Nous recherchons des entreprises qui génèrent des liquidités ou qui disposent d’actifs uniques de grande valeur et dont la dette est modeste. Nous pourrions nous tromper dans notre analyse, sauf que si l’on se fie à notre théorie de départ, nous ne levons pas le nez sur tout soubresaut à court terme en ce qui concerne les titres de nos portefeuilles.
Nous croyons que les obligations que nous détenons dégagent un rendement plus élevé que celui d’autres entreprises de qualité et de santé financière égales. Si les titres de ces entreprises se retrouvent dans nos portefeuilles, c’est que nous avons observé leur comportement pendant un bon moment. Et par-dessus tout, nous sommes convaincus de la valeur de ces obligations. Une fois l’acquisition effectuée, nous ne pouvons demander mieux qu’une baisse soutenue du prix des obligations. Mieux vaut acquérir une obligation dont le prix est déjà sous-évalué à un prix encore plus dérisoire que d’acheter une obligation évaluée à sa juste valeur au moment où son prix commence enfin à descendre. Cela est encore plus vrai lorsque vous avez 28 800 $ à investir : pourquoi réinventer la roue chaque fois qu’une obligation arrive à échéance?
Efforts à court terme, gains à long terme
Notre secteur d’activité se résume à investir les montants générés lors de l’échéance des coupons et des obligations dans des titres que nous détenons à des taux qui, à notre avis, sont relativement intéressants et, lorsque les conditions sont favorables, à en acquérir une tonne. Au cours de la dernière année, nous avons investi davantage dans les titres que nous détenons et avons acquis de nombreuses obligations, intéressantes pour constituer une participation initiale modeste. Toutefois, nous avons rarement eu l’occasion de bonifier ces participations. De nouveaux noms d’entreprises figurent parmi ces acquisitions. Nous aimerions acquérir davantage d’obligations de ces entreprises, car comme nous avons déjà fait des recherches exhaustives et un suivi constant à leur égard, la suite des choses ne représente pas une si grande charge de travail pour nous.
De nos jours, les investisseurs sont à la merci des faibles rendements prévus, et ce, pour la plupart des catégories d’actifs. Dans un tel contexte, l’obtention de rendements intéressants est possible, mais en général, ce n’est pas chose facile.
L’investisseur moyen a de la difficulté à comprendre qu’une correction des cours aujourd’hui peut être porteuse de rendements à long terme. Ce concept s’applique toujours même lorsque la participation est imposante. Voici, à titre d’exemple, un tableau de données sur un groupe d’obligations hypothétique qui s’apparente aux données de nos titres à revenu fixe (rendement de 4,1 % et durée de 1,8 ans) :
Jour 1 | Year 1 | Year 2 | Year 3 | 4 ans | 5 ans |
---|
Jour 1 | Year 1 | Year 2 | Year 3 | 4 ans | 5 ans |
---|
Même si cet exemple a peu de chances de se produire et n’est pas réaliste, et en supposant qu’aucune variable ne change,nous sommes en mesure de voir l’effet d’une hausse de taux subite de 5,0 % à compter du tout premier jour d’un placement de 100 000 $. Le coup est dur à encaisser lorsqu’il se produit. Si l’horizon de placement d’un détenteur d’obligations correspond à un jour ou même à deux ans, cette hausse de taux de 5 % lui nuira. Sauf que le reste des investisseurs (dans laquelle nous incluons nos partenaires, du moins nous l’espérons) doit voir au-delà de la marque des deux ans et se rendre compte des rendements qui ont été tirés en réalité de ce taux de 5,0 % au fil du temps. Les échéances à court terme nous donnent de la latitude pour tirer profit des occasions qui s’offrent à nous.
À tête reposée viennent de grandes idées
Je crois avoir fait la preuve que des rêves de vacances ne sont pas si irréalistes lorsqu’on les couche sur papier. Je vous recommande donc de prendre une pause, d’écouter la musique de Jimmy Buffett (qui, paraît-il, est parent avec Warren Buffett) et d’espérer une baisse du cours des actions et des obligations. Si, à votre retour, rien n’a changé, investissez davantage et retournez sur la plage. Tout en vous ressourçant, vous aurez possiblement la chance de voir vos placements fructifier.